Newsletter – Mars 2025

Le rôle de l’intelligence artificielle dans l’intégration de la Transition Écologique et Sociale (TES) au sein des Institutions de MicroFinance (IMF)

Dans un contexte mondial marqué par des défis environnementaux et sociaux croissants, la microfinance africaine se trouve à un carrefour stratégique. Les Institutions de Microfinance (IMF) membres du réseau MAIN (Microfinance African Institutions Networkont un rôle crucial à jouer pour accompagner la Transition Écologique et Sociale (TES)[1]. Pour ce faire, un changement dans les valeurs et les croyances fondamentales qui dominent dans le secteur de la microfinance, ainsi qu’une évolution dans les pratiques s’avèrent nécessaires. L’Intelligence Artificielle (IA) émerge aujourd’hui comme un levier puissant pour accélérer cette transformation, en renforçant l’impact des IMF tout en répondant aux exigences du développement durable. L’IA permet de relever des défis environnementaux parmi les plus urgents : modélisation climatique, gestion des écosystèmes et des ressources ou encore optimisation de la consommation énergétique.

L’IA, un catalyseur pour la prise en compte de la TES

L’intégration de la TES dans les pratiques des IMF nécessite une approche innovante et structurée. L’IA offre des outils capables d’analyser des volumes de données considérables, d’identifier des tendances et de proposer des solutions adaptées aux besoins spécifiques des populations vulnérables. Par exemple, les algorithmes d’apprentissage automatique peuvent aider à évaluer les risques environnementaux liés aux projets financés, tout en identifiant des opportunités d’investissement dans des activités durables.

De plus, l’IA peut optimiser les processus internes des IMF, en automatisant des tâches administratives chronophages et en permettant aux équipes de se concentrer sur des missions à forte valeur ajoutée. Cela inclut la conception de produits financiers verts, l’accompagnement des clients vers des pratiques écoresponsables, ou encore la mesure de l’impact social et environnemental des activités financées.

Des applications concrètes pour les membres du MAIN

Pour les IMF membres du réseau MAIN, l’adoption de l’IA représente une opportunité unique de se positionner comme pionnières de la TES en Afrique. Voici quelques pistes d’application concrètes :

  1. Analyse prédictive : Utiliser l’IA pour anticiper les besoins des clients en matière de financement durable, en ciblant notamment les projets agricoles résilients au changement climatique ou les initiatives d’économie circulaire.
  2. Gestion des risques : Intégrer des modèles d’IA pour évaluer les risques environnementaux et sociaux des portefeuilles de prêts, en alignant les pratiques sur les principes de la finance responsable.
  3. Sensibilisation et éducation : Développer des plateformes numériques alimentées par l’IA pour former les clients aux enjeux de la TES et les accompagner dans leur transition vers des modèles économiques durables.
  4. Mesure d’impact : Mettre en place des outils d’IA pour collecter, analyser et visualiser des données sur l’impact social et environnemental des activités financées, en vue d’améliorer la transparence et la redevabilité.

Un engagement collectif pour l’avenir

Le réseau MAIN, en tant que catalyseur de l’innovation en microfinance, a un rôle clé à jouer pour faciliter l’adoption de l’IA par ses membres. Cela passe par la mise en place de partenariats stratégiques avec des acteurs technologiques, l’organisation de formations dédiées, et le partage de bonnes pratiques entre IMF.

En intégrant l’IA dans leurs stratégies, les institutions de microfinance membres du MAIN pourront non seulement renforcer leur compétitivité, mais aussi contribuer de manière significative à la réalisation des Objectifs de Développement Durable (ODD) en Afrique. La convergence entre microfinance, intelligence artificielle et transition écologique et sociale représente ainsi une opportunité historique pour construire un avenir plus inclusif et durable. 

L’intelligence artificielle n’est pas une fin en soi, mais un moyen puissant pour accélérer la transition vers des modèles économiques plus respectueux de l’environnement et plus équitables socialement. L’IA peut apporter d’importants avantages sociaux, économiques et environnementaux et être un allié précieux pour atteindre les objectifs de développement durable et de protection de la biodiversité.

Pour les IMF membres du réseau MAIN, l’adoption de ces technologies innovantes est une étape essentielle pour renforcer leur impact et répondre aux défis du 21e siècle. Ensemble, saisissons cette opportunité pour faire de la microfinance africaine un pilier de la Transition Écologique et Sociale.

 

Ce qui a changé pour les 70 000 femmes qui ont suivi notre cours d’éducation financière

Par une journée chaude et ensoleillée à Turiani, dans l’est de la Tanzanie, Angelina, Jennifer et 20 autres femmes Massaï (tribu nomade africaine) nous font traverser leur village pour nous montrer avec fierté 11 chèvres qui broutent dans un pré. Il y a trois mois, elles ne possédaient pas de bétail et leurs revenus dépendaient uniquement de leur petit commerce. Aujourd’hui, au terme de douze mois, elles possèdent 35 chèvres, qu’elles peuvent vendre avec un bénéfice raisonnable. Qu’est-ce qui a changé ? Elles ont décidé de créer une entreprise ensemble après avoir participé à un cours d’éducation financière.

L’éducation financière : chaînon manquant de l’inclusion financière des femmes

Pour s’assurer un revenu décent, mieux vaut ne pas être une femme. Les obstacles auxquels elles se heurtent sont de taille. Non seulement les femmes ont moins accès que les hommes au crédit formel, à la propriété et à la téléphonie mobile, mais des recherches montrent qu’elles ont également un niveau d’éducation financière plus faible – un indicateur clé de l’inclusion financière.

Pourtant, dans les pays les moins avancés et les pays en développement, les femmes micro-entrepreneurs sont le moteur de l’activité économique. En Afrique, les femmes sont souvent les principaux soutiens de famille, malgré la pauvreté et l’absence d’éducation formelle.

BRAC, qui travaille en étroite collaboration avec des femmes en Afrique depuis plus de dix ans, s’est toujours efforcé d’écouter et d’apprendre directement de ses clientes, d’évaluer si ses services ont un impact mesurable sur leur vie et de déterminer comment il peut encore renforcer la résilience financière des femmes. Lorsque nous demandons à nos clientes ce dont elles ont besoin, leur réponse est claire : apprenez-nous à mieux gérer notre argent.

https://www.findevgateway.org/fr/blog/2025/02/ce-qui-change-pour-les-70-000-femmes-qui-ont-suivi-notre-cours-deducation-financiere

Crise sécuritaire à l’Est de la RDC : Les institutions de microfinance face à l’insoutenable

Les provinces du Nord et Sud Kivu en République Démocratique du Congo (RDC), en proie à l’occupation de groupes armés, traversent une crise humanitaire et économique sans précédent. Les institutions de microfinance (IMF), pilier financier des communautés vulnérables, subissent de plein fouet les conséquences de cette instabilité. Cet article, basé sur des témoignages directs et des analyses terrain, expose les défis rencontrés par ces acteurs clés et appelle à une mobilisation collective pour soutenir leur résilience et assurer la continuité de leurs services.

C’est dans ce contexte que depuis janvier 2025, les principales villes du Kivu, centres économiques vitaux, sont paralysées par des fermetures forcées d’agences bancaires, des pillages systématiques et des déplacements massifs de populations. L’insécurité croissante a contraint banques et IMF à suspendre leurs activités. La fermeture de certaines institutions financières a privé les IMF de liquidités essentielles et isolé davantage les populations rurales, exacerbant leur précarité économique.

Les violences et la peur généralisée ont conduit à un ralentissement drastique de l’activité économique, réduisant considérablement les flux financiers au sein des communautés déjà fragilisées. Cette situation met à mal la stabilité financière des IMF et, par extension, l’ensemble des petits entrepreneurs qui en dépendent.

Les impacts sur les IMF des provinces de la région sont énormes. Elles subissent de lourdes pertes financières en raison de l’insécurité. Les pillages et la fuite des populations ont entraîné une augmentation dramatique des crédits impayés, représentant plusieurs millions de dollars de pertes. Le taux de recouvrement s’est effondré, de nombreux clients ayant perdu leurs commerces ou ayant été contraints de fuir, rendant la récupération des fonds pratiquement impossible. Par ailleurs, une crise de liquidité s’est installée : les retraits massifs via Mobile Money dépassent largement les dépôts, révélant une défiance croissante envers le système financier.

L’insécurité affecte également le personnel des IMF. Des agents de crédit ont été agressés à leur domicile, tandis que des responsables ont subi des attaques et pillages. Face à cette menace, certaines institutions ont dû évacuer leurs employés vers des zones plus sûres, tandis que d’autres fonctionnent en télétravail pour minimiser les risques. Toutefois, ce mode de fonctionnement limite leur efficacité et complique le maintien des opérations. Les IMF doivent jongler entre la sécurité de leur personnel et le maintien de leurs opérations, un équilibre de plus en plus difficile à trouver.

Les clients des IMF, en particulier les femmes entrepreneures, sont durement touchés. Beaucoup ont vu leurs commerces détruits, les plongeant dans une insécurité financière encore plus grande. De nombreux clients se retrouvent en situation de défaut de paiement, non par mauvaise volonté, mais en raison des conditions extrêmes qu’ils subissent. Certains ont disparu, perdu la vie ou se sont déplacés vers d’autres villes ou pays, laissant derrière eux des créances irrécouvrables, ce qui fragilise encore davantage les institutions.

Pour tenter de maintenir leurs activités malgré la crise, elles ont mis en place des stratégies d’adaptation. Des guichets sécurisés ont été installés dans des zones protégées, avec des horaires réduits pour limiter l’exposition aux risques. La digitalisation des services est accélérée afin de favoriser l’usage du Mobile Money et d’assurer une continuité des transactions sans nécessiter un accès physique aux agences.

Des mesures de protection du personnel ont également été instaurées, incluant l’instauration du télétravail pour les employés en zones dangereuses, les congés anticipés et bien d’autres instructions de sécurité. Cependant, ces solutions restent limitées sans un soutien extérieur accru. Ainsi, un renforcement des appels à la communauté internationale pour des garanties financières et des fonds d’urgence pour refinancer les clients sinistrés et soutenir la relance économique locale est nécessaire.

Cette crise dans le KIVU a des conséquences socio-économiques élargies. Son impact sur l’économie locale est sévère. La privation d’accès au crédit plonge de nombreuses familles et petits entrepreneurs dans une précarité accrue. La défiance envers le système financier se traduit par des retraits massifs, compromettant encore plus la viabilité des IMF. À terme, sans une intervention rapide et efficace, plusieurs de ces institutions risquent de disparaître, ce qui priverait des milliers de familles d’un accès essentiel aux services financiers et compromettrait les efforts de développement économique local.

Pour faire face à la situation, un appel à l’action s’avère indispensable. Les partenaires et institutions de soutien ont un rôle important à jouer. Ainsi pour éviter un effondrement du secteur, il est crucial de mobiliser des fonds d’urgence afin de recapitaliser les IMF et d’assurer le maintien des services essentiels. Une collaboration renforcée avec les bailleurs de fonds et les institutions internationales est nécessaire pour obtenir des garanties sur les portefeuilles de crédits et alléger la pression financière sur les IMF. L’investissement dans des solutions fintech est également indispensable pour permettre aux IMF de poursuivre leurs opérations malgré l’insécurité.

Enfin, un travail de sensibilisation et de renforcement des capacités est essentiel pour former les IMF à la gestion de crise prolongée et renforcer leur résilience face aux défis sécuritaires et économiques

Toutefois il y a lieu de noter que malgré l’adversité, les IMF du Kivu font preuve d’une résilience remarquable. Leur survie dépend aujourd’hui d’un soutien coordonné entre gouvernements, bailleurs internationaux et réseaux spécialisés. Si elles reçoivent l’appui nécessaire, ces institutions pourront continuer à jouer leur rôle essentiel dans la reconstruction économique et sociale de la région.

Ensemble, agissons pour préserver l’accès à la finance inclusive en RDC.

Événements à venir :

  • Formation sur les produits verts, Mai 2025, Lomé-Togo
  • Formation sur les facettes de la TES et le genre, Juillet 2025 Lomé- Togo 
  • Formation sur la gestion et l’évaluation des vulnérabilités, Juillet 2025 Kigali- Rwanda