Newsletter – Novembre 2025

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Newsletter – Novembre 2025

La microfinance est-elle un acteur de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) ?

Face aux défis sociaux croissants, l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) s’impose comme une alternative économique centrée sur l’humain, la solidarité et l’utilité sociale. La microfinance, née pour lutter contre l’exclusion financière, partage à première vue de nombreuses valeurs avec l’ESS. Mais peut-elle s’en revendiquer pleinement ? Pour cela, elle doit respecter les trois principes fondamentaux de ce modèle.

Depuis ses débuts, la microfinance cherche à offrir des services financiers à ceux qui en sont traditionnellement exclus : personnes à faibles revenus, femmes, jeunes, populations rurales. Elle soutient l’autonomisation économique et l’inclusion sociale à travers des produits comme le crédit, l’épargne ou l’assurance. Ce but social, au cœur de sa mission, correspond au premier principe de l’ESS : poursuivre une finalité d’utilité sociale plutôt que la recherche du profit.

Mais l’ESS exige aussi une gouvernance démocratique et participative, où les décisions sont prises collectivement, avec l’implication des bénéficiaires. Certaines IMF, notamment les coopératives, fonctionnent déjà sur ce modèle. D’autres doivent encore progresser vers plus de transparence et de participation pour aligner leur mode de gouvernance avec ce second pilier.

Enfin, la lucrativité limitée est le troisième critère essentiel. Elle signifie que les excédents financiers sont réinvestis au service de la mission sociale, et non redistribués à des actionnaires. Une IMF engagée dans l’ESS doit donc placer sa viabilité économique au service du développement humain, et non de la rentabilité financière.

Ces trois principes – finalité sociale, gouvernance démocratique, et lucrativité limitée – forment un cadre clair. Ils permettent d’évaluer si une institution de microfinance agit bien en tant qu’acteur de l’économie solidaire, ou si elle s’éloigne de cette vocation. Il ne s’agit pas seulement d’intentions, mais de pratiques concrètes, visibles et mesurables.

C’est pourquoi un appel est lancé aux IMF : intégrer pleinement les valeurs de l’ESS, non seulement dans leur discours, mais dans leur fonctionnement quotidien. En le faisant, elles renforcent leur mission sociale, leur légitimité et leur impact auprès des communautés qu’elles servent. Le réseau MAIN encourage vivement cette dynamique, convaincu qu’une microfinance enracinée dans l’ESS est plus forte, plus responsable et mieux armée pour relever les défis du développement durable.

 

Gestion du Risque de Liquidité : Au-Delà des Ratios, une Question de Décisions

À l’occasion de la Semaine Nationale de la Microfinance (SeNaMif) au Bénin, du 22 au 25 septembre 2025, plusieurs panels ont mis en lumière des enjeux cruciaux pour la pérennité des institutions de microfinance (IMF). Parmi ceux-ci, le risque de liquidité a été au cœur des débats et a été animé par l’expert Mr Isaac Nuako. Loin d’être une simple question de trésorerie ou de conformité, la liquidité est avant tout un enjeu stratégique qui engage l’avenir même des institutions. De nombreux participants ont pris part à cette session.

Le risque de liquidité, souvent perçu à tort comme une simple question de trésorerie ou de conformité réglementaire, doit aujourd’hui être compris comme un enjeu stratégique majeur, directement lié à la fragilité des décisions prises dans un contexte d’incertitude.

Traditionnellement, il est défini comme la capacité d’une institution à honorer ses engagements de trésorerie à court terme. Le véritable risque de liquidité réside dans l’incapacité à financer des décisions clés lorsque les hypothèses de base sur lesquelles repose le fonctionnement de l’institution cessent d’être valides.

La gestion de la liquidité doit passer d’une logique de suivi passif à une approche proactive, fondée sur l’anticipation, la simulation de scénarios et la remise en cause régulière des hypothèses. Le manque de liquidité ne se limite pas à une pénurie de cash ; il se traduit surtout par une perte de flexibilité stratégique : impossibilité d’accorder des crédits, de payer les salaires ou les fournisseurs à temps, de soutenir les clients fragiles ou encore d’investir dans la croissance. C’est lorsque les décisions deviennent contraintes et réactives que la mission des institutions de microfinance est la plus menacée.

Une gestion efficace du risque de liquidité repose sur une compréhension fine du calendrier des encaissements et décaissements, du niveau de confiance dans ces flux et de la sensibilité des décisions à ces aléas. La question centrale ne devrait plus être « avons-nous assez de liquidité ? », mais plutôt : « de quelles décisions dépendent les flux futurs ? », « que se passerait-il si ces flux étaient retardés ? », ou encore « quelles hypothèses devons-nous reconsidérer ? ». La liquidité doit être intégrée au cœur de la gouvernance, où les conseils d’administration et directions examinent régulièrement les hypothèses clés porteuses de risque.

La session a insisté sur plusieurs recommandations pratiques : l’adoption de prévisions basées sur des scénarios (meilleur cas, cas probable, pire cas) avec un suivi hebdomadaire des écarts, le développement d’indicateurs orientés décision comme, ou les déclencheurs de décisions à partir de seuils d’alerte. Il faut aussi concevoir les produits et les cycles de prêts en cohérence avec la liquidité disponible, éviter d’engager des dépenses fixes sur des entrées incertaines, et simuler régulièrement des tests de résistance pour préparer les décisions en situation réelle.

En conclusion, le risque de liquidité dans la microfinance ne doit plus être perçu comme un simple indicateur financier ou un problème ponctuel de trésorerie. Il constitue un enjeu stratégique essentiel, nécessitant une approche anticipative et résiliente face aux incertitudes. Le Réseau MAIN s’engage à poursuivre ses actions de sensibilisation et d’accompagnement afin d’aider les institutions de microfinance à intégrer cette vision décisionnelle du risque et à renforcer leur pérennité dans un environnement complexe et changeant.

 

Retour sur la Semaine Nationale de la Microfinance (SeNaMif) et l’Assemblée Générale du MAIN 2025

Du 22 au 25 septembre 2025, le Palais des Congrès de Cotonou a accueilli un événement d’envergure continentale : la Semaine Nationale de la Microfinance (SeNaMif)placée sous le thème « La finance inclusive en Afrique face aux défis climatiques et sécuritaires ». Cette édition, organisée sous le haut patronage du Gouvernement du Bénin à travers le Ministère des Affaires Sociales et de la Microfinance, a marqué le grand retour de ce rendez-vous stratégique, dans un contexte mondial profondément transformé par les mutations économiques, les crises environnementales et les enjeux de sécurité humaine. Pendant quatre jours, plus de 300 participants venus d’une vingtaine de pays africains se sont réunis à Cotonou pour débattre, échanger et proposer des solutions concrètes pour renforcer la résilience des institutions de microfinance et l’accès équitable aux services financiers pour les populations vulnérables. L’événement visait également à favoriser la concertation entre acteurs publics et privés, à promouvoir les bonnes pratiques en matière de gouvernance et d’innovation financière, et à formuler des pistes d’action pour une inclusion financière durable et responsable au service du développement socio-économique du continent.

La cérémonie d’ouverture, présidée par Madame Véronique TOGNIFODE, Ministre des Affaires Sociales et de la Microfinance, entourée de plusieurs membres du gouvernement et de représentants institutionnels, a donné le ton d’une semaine intense et inspirante. Dans une salle bien remplie, la Ministre a rappelé la symbolique particulière de cette édition, qui consacre le retour d’un espace de réflexion et de concertation au service du développement inclusif. Elle a souligné la place centrale de la microfinance dans la politique de développement du Bénin, qui a su bâtir un secteur structuré, performant et encadré, au bénéfice des entrepreneurs, des femmes et des jeunes.

La Ministre a également insisté sur la nécessité d’adapter la finance inclusive aux nouveaux défis de l’époque : l’urgence climatique, la digitalisation rapide, la sécurité des territoires et la stabilité sociale. Elle a invité les acteurs à réfléchir à de nouveaux instruments, à renforcer les partenariats Sud-Sud et à promouvoir des innovations favorisant une finance plus verte, plus solidaire et plus résiliente. Dans la même veine, les allocutions du Directeur Général de la Microfinance, de la Présidente du Conseil d’Administration de l’APSFD Bénin, du Président du MAIN, et de la Chargée d’Affaires du Grand-Duché de Luxembourg ont tous convergé vers un message d’espoir et de responsabilité collective : faire de la microfinance un levier puissant de développement durable et d’inclusion sociale.

La SeNaMif 2025 s’est ensuite déployée à travers un programme riche, structuré autour de sessions plénières, d’ateliers thématiques, de panels d’experts et d’activités de réseautage. Les discussions ont exploré des thèmes variés tels que le financement climatique et la finance verte, la gouvernance et la transparence dans les IMF, la digitalisation et la transformation technologique, ou encore la gestion des risques dans un contexte économique incertain. Les participants ont échangé sur des expériences concrètes, des modèles de résilience et des pratiques innovantes issues du continent africain, soulignant la vitalité et la créativité du secteur.

Au-delà des débats techniques, la SeNaMif a aussi été un moment de rencontres humaines et de partages interculturels. Une journée d’immersion à Ouidah a permis aux délégations étrangères de découvrir les racines historiques et culturelles du Bénin, à travers la visite de la Porte du Non-Retour, du Temple des Pythons et de la Place Tcha Tcha. Ce moment de détente a contribué à renforcer les liens d’amitié et de coopération entre acteurs, dans une atmosphère d’unité africaine.

Le point culminant de la semaine fut sans nul doute la soirée de gala du 24 septembre, organisée en l’honneur du 30 anniversaire du réseau MAIN (Microfinance African Institutions Network). Cette célébration a réuni les membres fondateurs, les partenaires techniques et financiers, ainsi que plusieurs représentants d’institutions membres. Dans une ambiance chaleureuse, rythmée par des prestations artistiques et des témoignages émouvants, le réseau a retracé son parcours depuis 1995, saluant les avancées accomplies et les défis à venir. Trente ans d’engagement, de solidarité et d’innovation au service de la microfinance africaine ont été célébrés avec fierté, rappelant la pertinence de la vision fondatrice du MAIN : bâtir un réseau panafricain d’institutions fortes, autonomes et connectées.

La cérémonie de clôture de la SeNaMif, présidée par M. Brice Russel DANSOU, Directeur Général de la Microfinance représentant Madame la Ministre, a marqué la fin des travaux sur une note d’espoir et d’engagement. Entouré de la Présidente de l’APSFD Bénin, du Président sortant du MAIN et du Président nouvellement élu, il a salué la réussite éclatante de cette édition, tant sur le plan de la participation que de la qualité des échanges. Dans son mot de clôture, il a insisté sur la nécessité de capitaliser les résultats et de poursuivre la dynamique enclenchée, en plaçant la résilience, l’innovation et la durabilité au cœur de la stratégie nationale et régionale de microfinance. Les participants sont repartis convaincus que la SeNaMif 2025 aura marqué un tournant dans la réflexion sur la finance inclusive en Afrique, en posant les bases d’une collaboration renforcée entre États, institutions et partenaires.

C’est dans ce même élan que s’est tenue, le 25 septembre 2025, la 12 Assemblée Générale du MAIN, en marge de la SeNaMif. Accueillie dans la prestigieuse Salle Blanche du Palais des Congrès, l’Assemblée a réuni 99 membres venus de 20 pays, confirmant le dynamisme et la vitalité du réseau. Le Directeur Général de la Microfinance a ouvert les travaux, félicitant le MAIN pour son parcours exemplaire et son rôle moteur dans la professionnalisation du secteur. Après vérification du quorum, les délibérations se sont déroulées dans un climat de transparence et de collaboration.

Les participants ont examiné et adopté les différents rapports statutaires : le rapport moral du Président sortant, M. Odanou YOMBO, a mis en lumière la croissance du réseau, désormais fort de 141 membres répartis dans 28 pays africains, ainsi que les progrès réalisés en matière de gouvernance, de formation et de partenariats. Le rapport d’activités du Directeur Exécutif a souligné les efforts de renforcement des capacités, l’organisation de formations de haut niveau, et la consolidation de la visibilité du MAIN sur la scène continentale. Le rapport financier, présenté par le Trésorier, a montré une amélioration significative des performances économiques du réseau, avec un résultat net positif et supérieur à celui de l’année précédente, traduisant une gestion rigoureuse et un redressement durable. Le rapport d’audit du commissaire aux comptes a confirmé la conformité et la transparence des états financiers, témoignant du sérieux de la gouvernance. Tous ces rapports ont été adoptés à l’unanimité par l’Assemblée, donnant quitus au Conseil d’Administration sortant.

L’Assemblée a été également marquée par la signature de deux conventions de partenariat stratégique : la première entre le MAIN et le Centre Mohamed VI de Soutien à la Microfinance Solidaire (CMS) du Maroc, et la seconde entre le MAIN et le Comité International de la Solidarité Africaine (CISA) du Togo. Ces accords visent à renforcer les synergies institutionnelles, à mutualiser les expertises et à promouvoir une finance inclusive, verte et innovante. Une conférence-débat intitulée “Trente ans de microfinance en Afrique : un parcours d’innovation et d’impact” a suivi, retraçant l’histoire du MAIN et célébrant sa contribution au développement économique et social du continent.

Le moment fort de l’Assemblée a été l’élection du nouveau Conseil d’Administration pour un mandat de deux ans. À l’issue du vote, le nouveau conseil se compose comme suit : M. Kimanthi MUTUA (K-Rep, Kenya), Président ; Mme Amina SAKIOUDI (CMS, Maroc), Vice-Présidente ; Mme Valentine ADOUKOUNOU (AFRICA Finances, Bénin), Trésorière ; M. Aubert André TCHIKANTIO (FIGEC SA, Cameroun), Trésorier adjoint ; Mme Nadine MUTABARUKA (WISE, Burundi), Membre ; M. Nicolas HEEREN (SIDI, France), Membre ; et M. Thierry RAJAONA (SIPEM, Madagascar), Membre.

Dans une atmosphère empreinte d’émotion et de camaraderie, le Président sortant a remercié les membres pour leur confiance et leur engagement, avant de passer symboliquement le flambeau à son successeur. M. Kimanthi MUTUA, dans son allocution, a exprimé sa profonde gratitude et a promis de poursuivre le travail engagé, tout en imprimant une nouvelle dynamique axée sur l’innovation, la durabilité et la coopération panafricaine. Il a réaffirmé la vocation du MAIN à demeurer un acteur de référence et un catalyseur de l’inclusion financière sur le continent.

La séance s’est clôturée à 16h45, dans un esprit d’unité et d’enthousiasme, marquant la fin d’une semaine exceptionnelle alliant réflexion, action et célébration. Entre la SeNaMif et l’Assemblée Générale du MAIN, Cotonou aura été le carrefour de la finance inclusive africaine, témoignant de la vitalité d’un secteur en pleine mutation et de la détermination commune à bâtir une Afrique plus inclusive, résiliente et prospère.